Gosselin c. Carruthers
2006 QCCA 1489
COUR D’APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE
MONTRÉAL
N° :
500-09-014223-044
(705-05-006685-039)
DATE :
16 NOVEMBRE 2006
CORAM :
LES HONORABLES
LOUISE OTIS J.C.A.
FRANÇOIS PELLETIER J.C.A.
ALLAN R. HILTON J.C.A.
NORMAND GOSSELIN
APPELANT – Demandeur/défendeur reconventionnel
c.
NANCY C.INTIMÉE – Défenderesse/demanderesse reconventionnelle et
CÉLINE TREMBLAY
INTERVENANTE
et
MICHAËLE TREMBLAY
Intervenante ARRÊT
[1] LA COUR; - Statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 14 janvier 2004 par la Cour supérieure, district de Joliette (l'honorable Benoît Emery), qui a accueilli en partie la défense et demande reconventionnelle;
[2] Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;
[3] Pour les motifs du juge Pelletier, auxquels souscrivent les juges Otis et Hilton :
[4] ACCUEILLE l'appel avec dépens;
[5] INFIRME le jugement de première instance sauf en ce qui a trait à la conclusion rejetant l'intervention de Mme Michaële Tremblay;
[6] ET PROCÉDANT à rendre le jugement qui aurait dû être rendu dans l'instance opposant l'appelant Normand Gosselin à l'intimée Nancy Carruthers :
ACCUEILLE avec dépens la requête en délaissement forcé et prise en paiement;
ORDONNE à l'intimée de délaisser en faveur du requérant l'immeuble décrit ci‑après, dans un délai de dix (10) jours de la signification du présent jugement :
Désignation
Un emplacement situé en la ville de La Plaine, connu et désigné comme étant le lot numéro HUIT de la subdivision officielle du lot originaire numéro MILLE CENT DIX-SEPT (1117-8) au cadastre officiel de la Paroisse de Saint-Henri de Mascouche, circonscription foncière de L'Assomption.
Avec bâtisse dessus érigée portant le numéro 1750 Carré du Bélier, La Plaine.
DÉCLARE le présent jugement opposable à tout autre possesseur de l'immeuble;
À DÉFAUT par l'intimée et/ou tout possesseur de délaisser l'immeuble dans le délai imparti, ORDONNE qu'ils en soient expulsés ainsi que leurs biens meubles;
DÉCLARE le requérant propriétaire de l'immeuble susdit;
DÉCLARE que le présent jugement constitue le titre de propriété du requérant, qui en devient propriétaire à compter de l'inscription du préavis au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de L'Assomption le 28 février 2002 sous le numéro 600184.
LOUISE OTIS J.C.A.FRANÇOIS PELLETIER J.C.A.ALLAN R. HILTON J.C.A.
Me Hugues Arsenault
Charbonneau, Charbonneau
Pour l'appelant
Me Éric De Louya
De Louya Pierre Markakis
Pour l'intimée
Me Réjean Kingsbury
Talbot Kingsbury Gauthier
Pour l'intervenante Céline Tremblay
Date d’audience :
19 octobre 2006
MOTIFS DU JUGE PELLETIER
[7] Le litige porte sur l'exercice d'un recours hypothécaire ayant fait l'objet d'un jugement dont la facture est inhabituelle, notamment en ce que le juge n'a pas expressément décidé du sort de l'action intentée par l'appelant.
[8] Voici en résumé les faits qui sous-tendent l'affaire.
[9] L'intimée Nancy Carruthers est propriétaire d'un immeuble qu'elle loue à l'intervenante devant notre Cour, Céline Tremblay. Pour sa part, l'appelant Normand Gosselin détient une hypothèque de second rang sur cet immeuble. La sûreté dont il s'agit lui a été consentie en avril 2001 à la garantie du remboursement d'un prêt de 11 500 $ portant intérêts au taux de 30% l'an, amorti sur trois ans et remboursable par versements étalés sur une période de temps identique.
[10] En février 2002, l'appelant constate l'existence de plusieurs défauts imputables à l'intimée. Il lui signifie alors un préavis d'exercice du recours de prise en paiement et lui retire simultanément l'autorisation de percevoir le loyer payable par l'intervenante.
[11] Avant l'expiration du délai de 60 jours, Mme Michaële Tremblay, sœur de l'intervenante, offre d'acheter l'immeuble au prix de 79 592,89 $. L'encaissement de cette somme aurait pu permettre de couvrir toutes les sommes dues par l'intimée au titre des taxes et des prêts garantis par les hypothèques de premier et de second rang.
[12] Dans la foulée de cette offre, l'appelant et l'intimée engagent des négociations mais, malgré certaines concessions de la part de l'appelant, les parties ne parviennent pas à s'entendre sur la quotité des sommes dues en principal et accessoires. Cette mésentente occasionne l'avortement de la vente envisagée.
[13] À l'audience, en première instance, l'appelant a établi l'existence de défauts auxquels l'intimée n'avait toujours par remédié. Pour sa part, cette dernière n'a fait aucune offre ni consignation, mais s’est contentée de réclamer la réduction de ses obligations en application de l'article 2332 C.c.Q. Elle a de plus requis la Cour d’ordonner « au notaire instrumentant la vente », qu'elle a incidemment omis de mettre en cause, de payer les sommes dues à l'appelant, sans autre précision.
[14] Dans le cadre d'une intervention que la Cour supérieure a qualifié de sui generis, parce que ni « conservatoire ni réellement […] agressive », Mme Michaële Tremblay a demandé à la Cour de déterminer la hauteur des sommes dues à l'appelant, d'ordonner à l'intimée de passer un titre à être confectionné plus tard et au notaire instrumentant de payer l'appelant pour ensuite distribuer le reliquat du prix de vente. Elle n'a cependant pas jugé utile de mettre en cause le notaire qui serait visé par l’ordre du tribunal, de faire des offres et de les consigner pas plus qu'elle n'a produit le texte de l'acte de vente envisagé. En cours d'instance, il s'est révélé que Mme Michaële Tremblay n'était en réalité qu'un prête-nom pour sa sœur, Mme Céline Tremblay, cette dernière étant incapable d'obtenir personnellement un prêt lui permettant de procéder à l’achat désiré.
[15] Saisi de ces procédures qui, dans le cas de la défense et de l'intervention, se distinguaient par leur facture innovatrice et non orthodoxe, le juge a choisi de ne pas statuer sur la requête en délaissement. Ses conclusions se lisent ainsi :
[51] ACCUEILLE en partie la défense et la demande reconventionnelle;
[52] DÉCLARE abusif et exorbitant le taux d'intérêt de 30 % l'an stipulé à l'acte de prêt intervenu entre le demandeur et la défenderesse le 2 avril 2001;
[53] ORDONNE, en vertu de l'article 2332 C.c.Q., la réduction des obligations, en établissant à 13 % l'an plutôt que 30 % le taux d'intérêt exigible sur le prêt stipulé à l'acte de prêt intervenu entre le demandeur et la défenderesse le 2 avril 2001 et ;
[54] DÉCLARE que le demandeur ne peut exiger, en vertu de cet acte de prêt, que les sommes suivantes :
· le solde impayé du capital;
· les intérêts au taux de 13 % l'an plutôt que 30 %;
· les paiements que le demandeur a dû faire auprès de la Caisse populaire Le Manoir aux termes de l'acte de prêt intervenu entre la Caisse populaire Le Manoir et la défenderesse, sans que le demandeur puisse réclamer d'intérêts ou autres pénalités sur ces paiements subrogatoires;
· les taxes municipales et scolaires que le demandeur a dû payer pour éviter la vente en justice de la maison pour taxes impayées sans que le demandeur puisse réclamer des intérêts ou autres pénalités sur le paiement de ces taxes;
· le demandeur pourra aussi réclamer de la défenderesse le paiement des frais d'administration que le tribunal limite, en vertu de l'article 2332 C.c.Q., à un montant total de 2 500 $ pour toute la période où la défenderesse aura été en défaut sans que le demandeur ne puisse exiger quelque intérêt ni autre pénalité sur cette somme de 2 500 $;
· le demandeur ne pourra pas réclamer la pénalité afférente au remboursement par anticipation prévue au paragraphe 4 de l'acte de prêt du 2 avril 2001;
· le demandeur devra déduire des montants susmentionnés, toutes les sommes reçues à titre de loyer suite à la signification d'un avis de transport de loyers à la locataire Céline Tremblay;
· le demandeur ne pourra réclamer de sommes autres que celles ci-haut stipulées;
[55] ACCORDE à Nancy Carruthers jusqu'au vendredi 12 mars 2004 pour vendre la résidence à l'intervenante Michaële Tremblay ou à sa sœur Céline Tremblay ou à un tiers, pour un montant de 79 592,89 $;
[56] REJETTE l'intervention;
[57] LE TOUT avec dépens, à l'exception de l'intervention qui est rejetée sans frais.
[16] Pour comprendre le sort réservé à la demande principale, il faut se reporter aux paragraphes 47 et 48 du jugement :
[47] En fonction des conditions énoncées dans le présent jugement, le notaire instrumentant devra calculer le montant dû au demandeur à la date de la signature de l'acte de vente et sur paiement de cette somme, le demandeur devra donner une quittance complète, définitive et finale relativement à l'acte de prêt du 2 avril 2001.
[48] Si, en dépit de ce qui précède, la défenderesse omet ou refuse de remédier au défaut en faveur du demandeur dans le délai imparti, celui-ci pourra alors déposer au greffe une ré-inscription de la présente demande en délaissement forcé et prise en paiement fondée sur l'acte de prêt du 2 avril 2001 tel que modifié par le présent jugement selon l'article 2332 C.c.Q. en ce qui a trait au taux d'intérêt et aux sommes que le demandeur peut exiger.
[17] Seul l'appelant a interjeté appel. Il reproche principalement au juge d'avoir conclu à lésion sur la base de sa connaissance d'office du marché hypothécaire et de ne pas avoir fait droit à la requête malgré l'existence de défauts auxquels l'intimée n'a jamais remédié.
ANALYSE
[18] Soit dit avec égards, j'estime que le juge avait l’obligation de décider. Il ne pouvait, dans le cadre d’un jugement au fond, laisser le recours principal en suspens.
[19] Cela dit, le jugement reconnaissant la persistance de défauts à l’égard des obligations contractées par l’intimée, il convient d’examiner le moyen de défense plaidé par cette dernière. Son argument repose sur l'article 2332 C.c.Q. :
2332. Lorsque le prêt porte sur une somme d'argent, le tribunal peut prononcer la nullité du contrat, ordonner la réduction des obligations qui en découlent ou, encore, réviser les modalités de leur exécution dans la mesure où il juge, eu égard au risque et à toutes les circonstances, qu'il y a eu lésion à l'égard de l'une des parties
[20] En l'espèce, le juge a conclu à lésion en tenant pour acquis que le taux de 30% était abusif. Il reconnaît toutefois qu'aucune preuve concernant les conditions du marché n’a été administrée. Pour palier cette lacune apparente, il a fait appel à sa connaissance d'office dans les termes que voici :
[39] […] Toutefois, il est de connaissance judiciaire qu'au cours des dernières années, les taux d'intérêt ont considérablement baissé. C'était vrai en avril 2001 et ce l'est encore aujourd'hui. Il est généralement reconnu que les institutions financières prêtent à des taux pouvant varier entre 5 % et 7 % dépendant de la durée du prêt et de la période d'amortissement, avec une hypothèque de premier rang comme garantie. En l'espèce, cela signifie que le demandeur exige un taux de quatre à six fois plus élevé pour une hypothèque de deuxième rang. Même s'il est vrai que la défenderesse était parfaitement en mesure de saisir la portée de l'acte de prêt du 2 avril 2001 vu ses connaissances commerciales, le tribunal est néanmoins d'avis qu'un taux représentant quatre à six fois celui imposé par les institutions financières pour une hypothèque de premier rang est exorbitant et abusif. Le tribunal est d'avis que dans pareilles circonstances, le taux exigé par le prêteur hypothécaire de second rang ne doit pas dépasser plus de deux fois celui généralement exigé par les institutions financières offrant des prêts garantis par une hypothèque de premier rang. Il est vrai que certaines institutions de crédit exigent parfois des intérêts supérieurs mais elles ne détiennent généralement pas de garantie réelle.
[21] À mon avis, et avec beaucoup d'égards, les motifs invoqués par le juge ne peuvent tenir.
[22] Les conditions du marché des prêts hypothécaires de second rang dans la région de Lanaudière pour des emprunteurs présentant le profil de l'intimée ne constituent pas des faits « dont la notoriété rend [leur] existence raisonnablement incontestable »[1].
[23] Il est acquis au débat que l'intimée n'avait plus accès au marché bancaire pour l'obtention d'un prêt garanti par une hypothèque de second rang. Dès lors, quel prêteur privé ou quelle institution financière aurait été susceptible de lui prêter? Quel aurait été le taux raisonnable du marché dans les circonstances? Y aurait-il eu d’autres conditions? Voilà autant de questions auxquelles la preuve n'apporte aucune réponse.
[24] L'exercice purement théorique auquel le juge s'est livré en comparant le taux fixé dans le contrat avec celui d'un prêt hypothécaire de premier rang consenti par une institution bancaire n’entretient pas de rapport avec la réalité et ne permet certainement pas d'atteindre le degré de certitude requis par l'article 2808 C.c.Q.
[25] L'article 1406 C.c.Q. crée une présomption de lésion lorsqu'il est établi une « disproportion importante entre les prestations des parties ». Dans un cas de la nature de celui à l'étude, la disproportion ne peut s'inférer du seul constat que le taux déterminé conventionnellement atteint 30%. Encore aurait-il fallu pouvoir déduire que ce taux était hors marché dans les circonstances de l'espèce. Cette preuve, en soi, ne nécessitait pas le déploiement de moyens extraordinaires. Un simple exercice comparatif avec les institutions offrant des prêts à risque dans la région aurait pu suffire.
[26] Pour ma part, et bien que je sois, comme le juge, impressionné à première vue par la hauteur des intérêts exigés, je ne puis, sans preuve, conclure à l'existence d'une lésion.
[27] Dans leur ouvrage portant sur la théorie des obligations, les auteurs Pineau et Gaudet écrivent[2] :
Ainsi, dans le cadre d'un contrat de prêt portant sur une somme d'argent, l'emprunteur devra démontrer que le taux d'intérêt ou autres obligations résultant du contrat conclu dépassent largement les conditions normales ou habituelles d'un prêt du même montant et du même type. Cette preuve étant faite, il appartiendra au prêteur de prouver qu'il n'a pas exploité son cocontractant, compte tenu des circonstances de l'espèce, compte tenu des montants engagés, des conditions économiques du moment, des risques courus, etc.
[28] Dans la même veine, je ne puis partager l'avis du juge selon lequel les clauses de l'acte exigeant le paiement d'intérêts sur les sommes payées par le créancier pour protéger sa garantie seraient abusives ou exorbitantes. Les clauses dont il s'agit sont usuelles dans les prêts garantis par hypothèque. À cet égard, l'illustration à laquelle renvoie le jugement laisse à penser que le juge a erronément conclu à un cumul d'intérêts sur les intérêts de la part de l’appelant :
[41] Tel qu'il appert de ses états de comptes, le demandeur exige aussi le paiement des intérêts sur toutes les sommes qu'il a dû payer pour protéger sa garantie. À titre d'illustration, lorsqu'il verse au premier créancier hypothécaire un versement mensuel de 785 $ qui comporte une partie de capital et une partie d'intérêts, il réclame des intérêts sur cette somme de 785 $ à compter du jour où il remet cette somme. Le tribunal conclut que cette réclamation d'intérêt n'a aucun fondement juridique.
[29] À n’en pas douter, les versements mensuels dus sur la première hypothèque comprennent une portion d’intérêts. Toutefois, lorsque l’appelant se voit contraint d’avancer ces versements au lieu et place de l’intimée, il débourse en capital des sommes additionnelles au profit de cette dernière. Je ne vois pas quel principe de droit interdirait la réclamation d’intérêts sur ce prêt additionnel dont la finalité consiste à payer le capital et les intérêts dus par la débitrice au premier créancier hypothécaire.
[30] Le juge reproche aussi à l’appelant la hauteur de sa réclamation au titre de certains frais engagés. Ce grief est fondé en ce qui a trait à la portion des honoraires extrajudiciaires engagés après le 13 juin 2002[3]. La question revêt toutefois un caractère théorique puisque l'intimée n'a jamais offert réellement de remédier aux autres défauts que lui reproche le préavis. J'ajouterai que c'est à tort que l'intimée attribue à l'appelant la responsabilité de l’échec de la vente projetée entre elle-même et Mme Michaële Tremblay. Le dossier fait voir que, lors des négociations portant sur la signature d'une quittance de la seconde hypothèque, l'appelant avait accepté de réduire sa réclamation totale, en principal et accessoires, à 16 980 $. À cette hauteur, la réclamation de l’appelant ne faisait pas réellement obstacle à la réalisation de la transaction parce que le prix de vente permettait d'acquitter toutes les charges grevant l'immeuble.
[31] Tenant pour acquis, pour les fins de la discussion, que la réclamation demeurait trop élevée, notamment au chapitre des frais engagés, l'intimée aurait pu passer le titre et contraindre l'appelant à donner quittance en payant sous protêt. Elle aurait ainsi réalisé la vente tout en conservant tous ses droits. Ce n’est donc pas la position de l’appelant qui a provoqué l’avortement de la transaction, mais plutôt celles conjuguées de l’intimée et de l’intervenante Michaële Tremblay qui ont choisi de laisser tomber plutôt que d’utiliser les moyens qui s’offraient à elles.
[32] À l'audience, l'avocat de l'intimée a proposé un argument ne figurant ni à son inscription en appel ni au mémoire. Selon lui, l'appelant ne saurait réussir dans son recours, n'ayant pas expédié à l'intimée le préavis requis par l'article 106 de la Loi sur la protection du consommateur. À mon avis, cet argument doit échouer.
[33] En premier lieu, la disposition dont il s'agit contraint le créancier à donner un préavis de 30 jours lorsqu'il entend se prévaloir d'une clause de déchéance du terme. En l'espèce, ce n'est pas l'objet du recours entrepris. De surcroît, le prêt est exempté de l'application de l'article 106 L.P.C. puisqu'il satisfait aux trois conditions prévues à l'article 22 du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur[4].
[34] De tout ceci, je retiens que l'intimée n'a pas fait la preuve du caractère lésionnaire du contrat de prêt la liant à l'appelant.
[35] Constatant la persistance de plusieurs défauts aux termes de l'acte de prêt hypothécaire de même que l'absence de preuve quant au caractère lésionnaire du prêt, le juge aurait dû accueillir le recours hypothécaire de l'appelant et rejeter la défense et demande reconventionnelle de l'intimée.
[36] En ce qui a trait à l'intervention de Mme Céline Tremblay devant notre Cour, il y a lieu, selon moi, de la rejeter.
[37] En première instance, la Cour supérieure a rejeté l'intervention de sa sœur Michaële. Ce volet du jugement n'a pas été porté en appel.
[38] Devant notre Cour, Mme Céline Tremblay ne peut s'autoriser des procédures faites par sa sœur en première instance. Cette dernière ne pouvait, en aucun cas, plaider au nom d'autrui[5]. De plus, la plupart des conclusions recherchées sont irrecevables à leur face même, notamment celles en passation de titre.
CONCLUSION
[39] Pour ces motifs, je propose d'accueillir l'appel avec dépens, d'infirmer le jugement de première instance sauf en ce qui a trait à la conclusion rejetant l'intervention de Mme Michaële Tremblay, et d'accueillir avec dépens la requête en délaissement forcé et prise en paiement.
FRANÇOIS PELLETIER J.C.A.
[1] Art. 2808 C.c.Q.
[2] Jean Pineau et Serge Gaudet, Théorie des obligations, 4e éd., Montréal, Thémis, 2001 au no 107.
[3] En application des modifications apportées à l'article 2762 C.c.Q.
[4] R.R.Q. 1981, c. P-40.1, r.1, art. 22.
[5] Art. 59 C.p.c.
2006 QCCA 1489
COUR D’APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE
MONTRÉAL
N° :
500-09-014223-044
(705-05-006685-039)
DATE :
16 NOVEMBRE 2006
CORAM :
LES HONORABLES
LOUISE OTIS J.C.A.
FRANÇOIS PELLETIER J.C.A.
ALLAN R. HILTON J.C.A.
NORMAND GOSSELIN
APPELANT – Demandeur/défendeur reconventionnel
c.
NANCY C.INTIMÉE – Défenderesse/demanderesse reconventionnelle et
CÉLINE TREMBLAY
INTERVENANTE
et
MICHAËLE TREMBLAY
Intervenante ARRÊT
[1] LA COUR; - Statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 14 janvier 2004 par la Cour supérieure, district de Joliette (l'honorable Benoît Emery), qui a accueilli en partie la défense et demande reconventionnelle;
[2] Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;
[3] Pour les motifs du juge Pelletier, auxquels souscrivent les juges Otis et Hilton :
[4] ACCUEILLE l'appel avec dépens;
[5] INFIRME le jugement de première instance sauf en ce qui a trait à la conclusion rejetant l'intervention de Mme Michaële Tremblay;
[6] ET PROCÉDANT à rendre le jugement qui aurait dû être rendu dans l'instance opposant l'appelant Normand Gosselin à l'intimée Nancy Carruthers :
ACCUEILLE avec dépens la requête en délaissement forcé et prise en paiement;
ORDONNE à l'intimée de délaisser en faveur du requérant l'immeuble décrit ci‑après, dans un délai de dix (10) jours de la signification du présent jugement :
Désignation
Un emplacement situé en la ville de La Plaine, connu et désigné comme étant le lot numéro HUIT de la subdivision officielle du lot originaire numéro MILLE CENT DIX-SEPT (1117-8) au cadastre officiel de la Paroisse de Saint-Henri de Mascouche, circonscription foncière de L'Assomption.
Avec bâtisse dessus érigée portant le numéro 1750 Carré du Bélier, La Plaine.
DÉCLARE le présent jugement opposable à tout autre possesseur de l'immeuble;
À DÉFAUT par l'intimée et/ou tout possesseur de délaisser l'immeuble dans le délai imparti, ORDONNE qu'ils en soient expulsés ainsi que leurs biens meubles;
DÉCLARE le requérant propriétaire de l'immeuble susdit;
DÉCLARE que le présent jugement constitue le titre de propriété du requérant, qui en devient propriétaire à compter de l'inscription du préavis au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de L'Assomption le 28 février 2002 sous le numéro 600184.
LOUISE OTIS J.C.A.FRANÇOIS PELLETIER J.C.A.ALLAN R. HILTON J.C.A.
Me Hugues Arsenault
Charbonneau, Charbonneau
Pour l'appelant
Me Éric De Louya
De Louya Pierre Markakis
Pour l'intimée
Me Réjean Kingsbury
Talbot Kingsbury Gauthier
Pour l'intervenante Céline Tremblay
Date d’audience :
19 octobre 2006
MOTIFS DU JUGE PELLETIER
[7] Le litige porte sur l'exercice d'un recours hypothécaire ayant fait l'objet d'un jugement dont la facture est inhabituelle, notamment en ce que le juge n'a pas expressément décidé du sort de l'action intentée par l'appelant.
[8] Voici en résumé les faits qui sous-tendent l'affaire.
[9] L'intimée Nancy Carruthers est propriétaire d'un immeuble qu'elle loue à l'intervenante devant notre Cour, Céline Tremblay. Pour sa part, l'appelant Normand Gosselin détient une hypothèque de second rang sur cet immeuble. La sûreté dont il s'agit lui a été consentie en avril 2001 à la garantie du remboursement d'un prêt de 11 500 $ portant intérêts au taux de 30% l'an, amorti sur trois ans et remboursable par versements étalés sur une période de temps identique.
[10] En février 2002, l'appelant constate l'existence de plusieurs défauts imputables à l'intimée. Il lui signifie alors un préavis d'exercice du recours de prise en paiement et lui retire simultanément l'autorisation de percevoir le loyer payable par l'intervenante.
[11] Avant l'expiration du délai de 60 jours, Mme Michaële Tremblay, sœur de l'intervenante, offre d'acheter l'immeuble au prix de 79 592,89 $. L'encaissement de cette somme aurait pu permettre de couvrir toutes les sommes dues par l'intimée au titre des taxes et des prêts garantis par les hypothèques de premier et de second rang.
[12] Dans la foulée de cette offre, l'appelant et l'intimée engagent des négociations mais, malgré certaines concessions de la part de l'appelant, les parties ne parviennent pas à s'entendre sur la quotité des sommes dues en principal et accessoires. Cette mésentente occasionne l'avortement de la vente envisagée.
[13] À l'audience, en première instance, l'appelant a établi l'existence de défauts auxquels l'intimée n'avait toujours par remédié. Pour sa part, cette dernière n'a fait aucune offre ni consignation, mais s’est contentée de réclamer la réduction de ses obligations en application de l'article 2332 C.c.Q. Elle a de plus requis la Cour d’ordonner « au notaire instrumentant la vente », qu'elle a incidemment omis de mettre en cause, de payer les sommes dues à l'appelant, sans autre précision.
[14] Dans le cadre d'une intervention que la Cour supérieure a qualifié de sui generis, parce que ni « conservatoire ni réellement […] agressive », Mme Michaële Tremblay a demandé à la Cour de déterminer la hauteur des sommes dues à l'appelant, d'ordonner à l'intimée de passer un titre à être confectionné plus tard et au notaire instrumentant de payer l'appelant pour ensuite distribuer le reliquat du prix de vente. Elle n'a cependant pas jugé utile de mettre en cause le notaire qui serait visé par l’ordre du tribunal, de faire des offres et de les consigner pas plus qu'elle n'a produit le texte de l'acte de vente envisagé. En cours d'instance, il s'est révélé que Mme Michaële Tremblay n'était en réalité qu'un prête-nom pour sa sœur, Mme Céline Tremblay, cette dernière étant incapable d'obtenir personnellement un prêt lui permettant de procéder à l’achat désiré.
[15] Saisi de ces procédures qui, dans le cas de la défense et de l'intervention, se distinguaient par leur facture innovatrice et non orthodoxe, le juge a choisi de ne pas statuer sur la requête en délaissement. Ses conclusions se lisent ainsi :
[51] ACCUEILLE en partie la défense et la demande reconventionnelle;
[52] DÉCLARE abusif et exorbitant le taux d'intérêt de 30 % l'an stipulé à l'acte de prêt intervenu entre le demandeur et la défenderesse le 2 avril 2001;
[53] ORDONNE, en vertu de l'article 2332 C.c.Q., la réduction des obligations, en établissant à 13 % l'an plutôt que 30 % le taux d'intérêt exigible sur le prêt stipulé à l'acte de prêt intervenu entre le demandeur et la défenderesse le 2 avril 2001 et ;
[54] DÉCLARE que le demandeur ne peut exiger, en vertu de cet acte de prêt, que les sommes suivantes :
· le solde impayé du capital;
· les intérêts au taux de 13 % l'an plutôt que 30 %;
· les paiements que le demandeur a dû faire auprès de la Caisse populaire Le Manoir aux termes de l'acte de prêt intervenu entre la Caisse populaire Le Manoir et la défenderesse, sans que le demandeur puisse réclamer d'intérêts ou autres pénalités sur ces paiements subrogatoires;
· les taxes municipales et scolaires que le demandeur a dû payer pour éviter la vente en justice de la maison pour taxes impayées sans que le demandeur puisse réclamer des intérêts ou autres pénalités sur le paiement de ces taxes;
· le demandeur pourra aussi réclamer de la défenderesse le paiement des frais d'administration que le tribunal limite, en vertu de l'article 2332 C.c.Q., à un montant total de 2 500 $ pour toute la période où la défenderesse aura été en défaut sans que le demandeur ne puisse exiger quelque intérêt ni autre pénalité sur cette somme de 2 500 $;
· le demandeur ne pourra pas réclamer la pénalité afférente au remboursement par anticipation prévue au paragraphe 4 de l'acte de prêt du 2 avril 2001;
· le demandeur devra déduire des montants susmentionnés, toutes les sommes reçues à titre de loyer suite à la signification d'un avis de transport de loyers à la locataire Céline Tremblay;
· le demandeur ne pourra réclamer de sommes autres que celles ci-haut stipulées;
[55] ACCORDE à Nancy Carruthers jusqu'au vendredi 12 mars 2004 pour vendre la résidence à l'intervenante Michaële Tremblay ou à sa sœur Céline Tremblay ou à un tiers, pour un montant de 79 592,89 $;
[56] REJETTE l'intervention;
[57] LE TOUT avec dépens, à l'exception de l'intervention qui est rejetée sans frais.
[16] Pour comprendre le sort réservé à la demande principale, il faut se reporter aux paragraphes 47 et 48 du jugement :
[47] En fonction des conditions énoncées dans le présent jugement, le notaire instrumentant devra calculer le montant dû au demandeur à la date de la signature de l'acte de vente et sur paiement de cette somme, le demandeur devra donner une quittance complète, définitive et finale relativement à l'acte de prêt du 2 avril 2001.
[48] Si, en dépit de ce qui précède, la défenderesse omet ou refuse de remédier au défaut en faveur du demandeur dans le délai imparti, celui-ci pourra alors déposer au greffe une ré-inscription de la présente demande en délaissement forcé et prise en paiement fondée sur l'acte de prêt du 2 avril 2001 tel que modifié par le présent jugement selon l'article 2332 C.c.Q. en ce qui a trait au taux d'intérêt et aux sommes que le demandeur peut exiger.
[17] Seul l'appelant a interjeté appel. Il reproche principalement au juge d'avoir conclu à lésion sur la base de sa connaissance d'office du marché hypothécaire et de ne pas avoir fait droit à la requête malgré l'existence de défauts auxquels l'intimée n'a jamais remédié.
ANALYSE
[18] Soit dit avec égards, j'estime que le juge avait l’obligation de décider. Il ne pouvait, dans le cadre d’un jugement au fond, laisser le recours principal en suspens.
[19] Cela dit, le jugement reconnaissant la persistance de défauts à l’égard des obligations contractées par l’intimée, il convient d’examiner le moyen de défense plaidé par cette dernière. Son argument repose sur l'article 2332 C.c.Q. :
2332. Lorsque le prêt porte sur une somme d'argent, le tribunal peut prononcer la nullité du contrat, ordonner la réduction des obligations qui en découlent ou, encore, réviser les modalités de leur exécution dans la mesure où il juge, eu égard au risque et à toutes les circonstances, qu'il y a eu lésion à l'égard de l'une des parties
[20] En l'espèce, le juge a conclu à lésion en tenant pour acquis que le taux de 30% était abusif. Il reconnaît toutefois qu'aucune preuve concernant les conditions du marché n’a été administrée. Pour palier cette lacune apparente, il a fait appel à sa connaissance d'office dans les termes que voici :
[39] […] Toutefois, il est de connaissance judiciaire qu'au cours des dernières années, les taux d'intérêt ont considérablement baissé. C'était vrai en avril 2001 et ce l'est encore aujourd'hui. Il est généralement reconnu que les institutions financières prêtent à des taux pouvant varier entre 5 % et 7 % dépendant de la durée du prêt et de la période d'amortissement, avec une hypothèque de premier rang comme garantie. En l'espèce, cela signifie que le demandeur exige un taux de quatre à six fois plus élevé pour une hypothèque de deuxième rang. Même s'il est vrai que la défenderesse était parfaitement en mesure de saisir la portée de l'acte de prêt du 2 avril 2001 vu ses connaissances commerciales, le tribunal est néanmoins d'avis qu'un taux représentant quatre à six fois celui imposé par les institutions financières pour une hypothèque de premier rang est exorbitant et abusif. Le tribunal est d'avis que dans pareilles circonstances, le taux exigé par le prêteur hypothécaire de second rang ne doit pas dépasser plus de deux fois celui généralement exigé par les institutions financières offrant des prêts garantis par une hypothèque de premier rang. Il est vrai que certaines institutions de crédit exigent parfois des intérêts supérieurs mais elles ne détiennent généralement pas de garantie réelle.
[21] À mon avis, et avec beaucoup d'égards, les motifs invoqués par le juge ne peuvent tenir.
[22] Les conditions du marché des prêts hypothécaires de second rang dans la région de Lanaudière pour des emprunteurs présentant le profil de l'intimée ne constituent pas des faits « dont la notoriété rend [leur] existence raisonnablement incontestable »[1].
[23] Il est acquis au débat que l'intimée n'avait plus accès au marché bancaire pour l'obtention d'un prêt garanti par une hypothèque de second rang. Dès lors, quel prêteur privé ou quelle institution financière aurait été susceptible de lui prêter? Quel aurait été le taux raisonnable du marché dans les circonstances? Y aurait-il eu d’autres conditions? Voilà autant de questions auxquelles la preuve n'apporte aucune réponse.
[24] L'exercice purement théorique auquel le juge s'est livré en comparant le taux fixé dans le contrat avec celui d'un prêt hypothécaire de premier rang consenti par une institution bancaire n’entretient pas de rapport avec la réalité et ne permet certainement pas d'atteindre le degré de certitude requis par l'article 2808 C.c.Q.
[25] L'article 1406 C.c.Q. crée une présomption de lésion lorsqu'il est établi une « disproportion importante entre les prestations des parties ». Dans un cas de la nature de celui à l'étude, la disproportion ne peut s'inférer du seul constat que le taux déterminé conventionnellement atteint 30%. Encore aurait-il fallu pouvoir déduire que ce taux était hors marché dans les circonstances de l'espèce. Cette preuve, en soi, ne nécessitait pas le déploiement de moyens extraordinaires. Un simple exercice comparatif avec les institutions offrant des prêts à risque dans la région aurait pu suffire.
[26] Pour ma part, et bien que je sois, comme le juge, impressionné à première vue par la hauteur des intérêts exigés, je ne puis, sans preuve, conclure à l'existence d'une lésion.
[27] Dans leur ouvrage portant sur la théorie des obligations, les auteurs Pineau et Gaudet écrivent[2] :
Ainsi, dans le cadre d'un contrat de prêt portant sur une somme d'argent, l'emprunteur devra démontrer que le taux d'intérêt ou autres obligations résultant du contrat conclu dépassent largement les conditions normales ou habituelles d'un prêt du même montant et du même type. Cette preuve étant faite, il appartiendra au prêteur de prouver qu'il n'a pas exploité son cocontractant, compte tenu des circonstances de l'espèce, compte tenu des montants engagés, des conditions économiques du moment, des risques courus, etc.
[28] Dans la même veine, je ne puis partager l'avis du juge selon lequel les clauses de l'acte exigeant le paiement d'intérêts sur les sommes payées par le créancier pour protéger sa garantie seraient abusives ou exorbitantes. Les clauses dont il s'agit sont usuelles dans les prêts garantis par hypothèque. À cet égard, l'illustration à laquelle renvoie le jugement laisse à penser que le juge a erronément conclu à un cumul d'intérêts sur les intérêts de la part de l’appelant :
[41] Tel qu'il appert de ses états de comptes, le demandeur exige aussi le paiement des intérêts sur toutes les sommes qu'il a dû payer pour protéger sa garantie. À titre d'illustration, lorsqu'il verse au premier créancier hypothécaire un versement mensuel de 785 $ qui comporte une partie de capital et une partie d'intérêts, il réclame des intérêts sur cette somme de 785 $ à compter du jour où il remet cette somme. Le tribunal conclut que cette réclamation d'intérêt n'a aucun fondement juridique.
[29] À n’en pas douter, les versements mensuels dus sur la première hypothèque comprennent une portion d’intérêts. Toutefois, lorsque l’appelant se voit contraint d’avancer ces versements au lieu et place de l’intimée, il débourse en capital des sommes additionnelles au profit de cette dernière. Je ne vois pas quel principe de droit interdirait la réclamation d’intérêts sur ce prêt additionnel dont la finalité consiste à payer le capital et les intérêts dus par la débitrice au premier créancier hypothécaire.
[30] Le juge reproche aussi à l’appelant la hauteur de sa réclamation au titre de certains frais engagés. Ce grief est fondé en ce qui a trait à la portion des honoraires extrajudiciaires engagés après le 13 juin 2002[3]. La question revêt toutefois un caractère théorique puisque l'intimée n'a jamais offert réellement de remédier aux autres défauts que lui reproche le préavis. J'ajouterai que c'est à tort que l'intimée attribue à l'appelant la responsabilité de l’échec de la vente projetée entre elle-même et Mme Michaële Tremblay. Le dossier fait voir que, lors des négociations portant sur la signature d'une quittance de la seconde hypothèque, l'appelant avait accepté de réduire sa réclamation totale, en principal et accessoires, à 16 980 $. À cette hauteur, la réclamation de l’appelant ne faisait pas réellement obstacle à la réalisation de la transaction parce que le prix de vente permettait d'acquitter toutes les charges grevant l'immeuble.
[31] Tenant pour acquis, pour les fins de la discussion, que la réclamation demeurait trop élevée, notamment au chapitre des frais engagés, l'intimée aurait pu passer le titre et contraindre l'appelant à donner quittance en payant sous protêt. Elle aurait ainsi réalisé la vente tout en conservant tous ses droits. Ce n’est donc pas la position de l’appelant qui a provoqué l’avortement de la transaction, mais plutôt celles conjuguées de l’intimée et de l’intervenante Michaële Tremblay qui ont choisi de laisser tomber plutôt que d’utiliser les moyens qui s’offraient à elles.
[32] À l'audience, l'avocat de l'intimée a proposé un argument ne figurant ni à son inscription en appel ni au mémoire. Selon lui, l'appelant ne saurait réussir dans son recours, n'ayant pas expédié à l'intimée le préavis requis par l'article 106 de la Loi sur la protection du consommateur. À mon avis, cet argument doit échouer.
[33] En premier lieu, la disposition dont il s'agit contraint le créancier à donner un préavis de 30 jours lorsqu'il entend se prévaloir d'une clause de déchéance du terme. En l'espèce, ce n'est pas l'objet du recours entrepris. De surcroît, le prêt est exempté de l'application de l'article 106 L.P.C. puisqu'il satisfait aux trois conditions prévues à l'article 22 du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur[4].
[34] De tout ceci, je retiens que l'intimée n'a pas fait la preuve du caractère lésionnaire du contrat de prêt la liant à l'appelant.
[35] Constatant la persistance de plusieurs défauts aux termes de l'acte de prêt hypothécaire de même que l'absence de preuve quant au caractère lésionnaire du prêt, le juge aurait dû accueillir le recours hypothécaire de l'appelant et rejeter la défense et demande reconventionnelle de l'intimée.
[36] En ce qui a trait à l'intervention de Mme Céline Tremblay devant notre Cour, il y a lieu, selon moi, de la rejeter.
[37] En première instance, la Cour supérieure a rejeté l'intervention de sa sœur Michaële. Ce volet du jugement n'a pas été porté en appel.
[38] Devant notre Cour, Mme Céline Tremblay ne peut s'autoriser des procédures faites par sa sœur en première instance. Cette dernière ne pouvait, en aucun cas, plaider au nom d'autrui[5]. De plus, la plupart des conclusions recherchées sont irrecevables à leur face même, notamment celles en passation de titre.
CONCLUSION
[39] Pour ces motifs, je propose d'accueillir l'appel avec dépens, d'infirmer le jugement de première instance sauf en ce qui a trait à la conclusion rejetant l'intervention de Mme Michaële Tremblay, et d'accueillir avec dépens la requête en délaissement forcé et prise en paiement.
FRANÇOIS PELLETIER J.C.A.
[1] Art. 2808 C.c.Q.
[2] Jean Pineau et Serge Gaudet, Théorie des obligations, 4e éd., Montréal, Thémis, 2001 au no 107.
[3] En application des modifications apportées à l'article 2762 C.c.Q.
[4] R.R.Q. 1981, c. P-40.1, r.1, art. 22.
[5] Art. 59 C.p.c.