mercredi 4 mars 2009

COUR SUPÉRIEURE BENOÎT EMERY AVOCAT CLAUDE LEMIRE



JE0086 COUR SUPÉRIEURE BENOÎT EMERY CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE JOLIETTE N° : 705-05-006685-039 DATE :

14 janvier 2004 SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE BENOÎT EMERY, J.C.S.


NORMAND GOSSELIN Demandeur/défendeur reconventionnel c. NANCY C. Défenderesse/demanderesse reconventionnelle -et- MICHAËLE TREMBLAY Intervenante ______________________________________________________________________ JUGEMENT ______________________________________________________________________ [1] Le tribunal est saisi d'une requête en délaissement forcé et prise en paiement d'une résidence située à La Plaine. Le recours est fondé sur un acte de prêt d'une somme de 11 500 $ portant intérêt au taux de 30 % l'an et garanti par une hypothèque de deuxième rang.
[2] La défenderesse conteste cette demande en plaidant notamment que le taux de 30 % l'an est exorbitant eu égard à l'article 2332 C.c.Q. Elle reproche aussi au demandeur d'avoir abusé de ses droits en faisant avorter à l'été 2002 la vente de cette résidence à l'intervenante, ce qui lui aurait permis de rembourser au demandeur la totalité des sommes qui lui étaient dues et en conséquence, remédier au défaut comme l'autorise l'article 2761 C.c.Q.
[3] Cette résidence est louée à une locataire qui désirait l'acheter par l'entremise d'un prête-nom, en la personne de sa sœur, qui a produit une intervention fondée sur une offre d'achat dûment acceptée par la défenderesse. Il s'agit d'une intervention que le tribunal qualifiera de sui generis puisqu'il ne s'agit pas réellement d'une intervention conservatoire ni réellement d'une intervention agressive. I Les faits :
[4] La défenderesse est propriétaire d'une maison située à La Plaine dans Lanaudière. Cette résidence est louée à Céline Tremblay pour un loyer de 850 $ par mois.
[5] Le 2 avril 2001, la défenderesse emprunte du demandeur la somme de 11 500 $ portant intérêt au taux de 30 % l'an. Pour garantir le remboursement de ce prêt, la défenderesse consent en faveur du demandeur, une hypothèque de deuxième rang sur cette résidence. Aux termes de cet acte de prêt, la défenderesse s'engage à rembourser le capital de 11 500 $ et les intérêts, au moyen de 36 versements mensuels égaux et consécutifs de 477,43 $ chacun.
[6] L'hypothèque de premier rang est détenue par la Caisse populaire Le Manoir. En date du 4 juillet 2002, le montant dû à la Caisse populaire Le Manoir était de 47 191,49 $.
[7] La maison a une valeur marchande d'environ 80 000 $. C'est du moins le prix de vente convenu entre la défenderesse et l'intervenante.
[8] Dès le 4 février 2002, la défenderesse fait défaut de remettre au demandeur le versement mensuel de 477,43 $. Elle omettra de payer tous les versements subséquents.
[9] De façon concomitante, la défenderesse cesse également de remettre ses versements mensuels de 785 $ auprès du premier créancier hypothécaire, la Caisse populaire Desjardins Le Manoir.
[10] La défenderesse avait également fait défaut de payer les taxes municipales pour l'année 2001 d'un montant de 1 760,87 $.
[11] En conséquence, le 13 février 2002, le demandeur fait signifier à la défen­deresse un préavis d'exercice d'un recours hypothécaire.
[12] Afin de sauvegarder son hypothèque de deuxième rang, le demandeur doit, dès février 2002, verser mensuellement à la Caisse populaire Le Manoir, la somme de 785 $.
[13] En février 2002, en plus de faire signifier à la défenderesse un préavis d'exercice, le demandeur fait aussi signifier à la locataire Céline Tremblay un avis de transport de loyers. À cette date, Céline Tremblay payait 850 $ par mois pour occuper la résidence appartenant à la défenderesse.
[14] Le 22 mai 2002, alors que la défenderesse est toujours en défaut de remplir ses obligations envers tous ses créanciers, l'intervenante Michaële Tremblay lui présente une offre pour l'achat de la résidence. Michaële Tremblay agit à titre de prête-nom pour sa sœur Céline Tremblay, qui est locataire de la maison.
[15] Le 25 mai 2002, après un échange d'offres et de contre-offres, la défenderesse promet de vendre à l'intervenante la résidence pour un prix de 79 592,89 $.
[16] Selon l'intervenante et la défenderesse, ce prix de 79 592,89 $ était amplement suffisant pour rembourser la totalité des sommes dues aux deux créanciers hypothécaires, ce qui permettait à la défenderesse de remédier aux défauts et de remettre des titres clairs à l'intervenante.
[17] Le litige est né lorsque le demandeur a fait savoir à la défenderesse qu'elle devait payer près de 20 000 $ pour remédier aux défauts alors que le prêt intervenu un an auparavant n'était que pour 11 500 $. Selon la défenderesse, les sommes réclamées par le demandeur étaient exorbitantes et abusives. L'acte de vente devait être signé au début du mois de juillet 2002 devant le notaire instrumentant.
[18] Suite à un échange épistolaire, le demandeur a présenté une offre finale qui apparaît dans la lettre du 5 juillet 2002 que le procureur du demandeur adressait au procureur de la défenderesse[1] : Nous sommes autorisés par notre client à réduire le montant de la réclamation à une somme de 15 000 $ plus l'acquittement de nos honoraires au montant de 1 980 $ plus déboursés et taxes à ce jour. (…)
[19] Cela étant, le demandeur exigeait le paiement d'une somme de plus de 17 000 $ avant d'accepter de donner quittance ce qui aurait permis au notaire de procéder à la vente et à la défenderesse de fournir à l'intervenante des titres clairs. En raison de la position intransigeante du demandeur, la vente n'a jamais eu lieu.
[20] C'est dans ce contexte que le demandeur requiert aujourd'hui du tribunal l'autorisation de prendre la résidence en paiement en conformité de la garantie créée par l'acte de prêt du 2 avril 2001[2].
[21] En défense, la défenderesse demande au tribunal de déclarer que les sommes exigées par le demandeur sont abusives et exorbitantes et, en vertu de l'article 2332 C.c.Q., d'ordonner la réduction des obligations qui découlent de l'acte de prêt et de réviser les modalités de son exécution. II Prétentions des parties :
[22] Le demandeur soumet qu'il est détenteur en bonne et due forme d'une hypothèque de deuxième rang. Puisque la défenderesse est en défaut depuis le mois de février 2002, ce qui du reste, n'est pas nié, il fait valoir que le tribunal doit l'autoriser à prendre possession de la résidence conformément aux dispositions de l'acte de prêt.
[23] Il justifie le taux de 30 % l'an par le risque élevé que représentait ce prêt à la défenderesse. D'ailleurs, plaide-t-il, lorsqu'un débiteur recherche un créancier hypothécaire de deuxième rang, c'est que le premier créancier hypothécaire refuse de lui prêter un montant additionnel même à un taux d'intérêt supérieur. Advenant le défaut du débiteur, le créancier hypothécaire de second rang doit désintéresser le créancier hypothécaire de premier rang ce qui lui occasionne un débours substantiel pour réaliser sa garantie, sans compter tous les frais afférents à la réalisation de la garantie.
[24] En l'espèce, il fait valoir qu'il avait raison de se méfier de la situation financière de la défenderesse puisqu'elle a cessé de remplir ses obligations moins de onze mois suivant la signature de l'acte de prêt. Non seulement a-t-elle cessé de remplir ses obligations à son égard mais aussi à l'égard du premier créancier hypothécaire tout en faisant défaut de payer les taxes municipales et scolaires.
[25] De surcroît, il ajoute que la défenderesse n'est pas la consommatrice démunie qu'elle prétend être. Selon lui, elle a opéré une importante compagnie de transport par camions pendant plus de dix ans. Son entreprise a fait faillite mais dans les jours qui ont suivi, les opérations ont repris sous un autre nom.
[26] Pour sa part, la défenderesse nie être une femme d'affaires avertie. Elle reconnaît avoir été impliquée dans une entreprise de transport mais qui était entièrement gérée et opérée par son conjoint.
[27] Quant au taux de 30 %, elle dit s'être entièrement fiée au demandeur qui lui aurait affirmé qu'elle serait incapable d'emprunter à un meilleur taux compte tenu de sa situation financière et
du fait que sa résidence était déjà hypothéquée en faveur d'un premier créancier hypothécaire. Elle demande à ce que le tribunal intervienne et réduise le taux de 30 % à 5 % l'an, soit le taux légal.
[28] Elle plaide ensuite qu'eu égard à l'article 2762 C.c.Q. tel que modifié et sanctionné le 13 juin 2002, le demandeur ne pouvait exiger le remboursement de frais extrajudiciaires. Il ne pouvait non plus charger des intérêts sur les intérêts échus. Il a ainsi abusé de ses droits en refusant de fournir une quittance empêchant du coup la vente de la résidence à Michaële Tremblay.
[29] Pour sa part, l'intervenante demande au tribunal d'établir les montants auxquels le demandeur a le droit et l'autoriser à se porter acquéreur de la résidence. III Discussion :
[30] Lorsqu'il a été informé pour la première fois de l'existence de la promesse de vente à l'intervenante, le demandeur a d'abord exigé près de 20 000 $ pour remédier au défaut. Il a éventuellement réduit le montant exigé à 17 000 $.
[31] En plus du capital et des intérêts impayés, le demandeur réclame de la défenderesse tous les honoraires extrajudiciaires afférents à la préparation et à la signification du préavis d'exercice, du transport de loyers et de la requête en délaissement forcé et en prise de paiement[3]. [32] La défenderesse plaide que le demandeur n'a pas le droit d'exiger ces frais depuis que le gouvernement a adopté et sanctionné une loi déclaratoire venant préciser que les frais engagés excluent les honoraires extrajudiciaires dus par le créancier pour des services professionnels qu'il a requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l'hypothèque ou pour conserver le bien grevé. L'article 2762 C.c.Q. comporte maintenant la précision suivante énoncée au paragraphe 2 :
Le créancier qui a donné un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire n'a le droit d'exiger du débiteur aucune indemnité autre que les intérêts échus et les frais engagés.
Nonobstant toute stipulation contraire, les frais engagés excluent les honoraires extrajudiciaires dus par le créancier pour des services professionnels qu'il a requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l'hypothèque ou pour conserver le bien grevé.
[33] Puisqu'il s'agit d'une loi déclaratoire, cela signifie que l'article 2762 C.c.Q. tel qu'il est maintenant libellé s'applique même aux honoraires extrajudiciaires encourus avant le 13 juin 2002. La Cour supérieure, sous la plume du juge Jean Bouchard, s'est déjà prononcée clairement
à ce sujet :
3. Le Code civil du Québec, à l'article 2762, traite de cette question. Cette disposition énonce très clairement, depuis le 13 juin 2002, date de la sanction du projet de Loi no 50 intitulé Loi modifiant le Code Civil et d'autres dispositions législatives (2002, chapitre 19, art. 12), que : " Art. 2762. Le créancier qui a donné un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire n'a le droit d'exiger du débiteur aucune indemnité autre que les intérêts échus et les frais engagés. Nonobstant toute stipulation contraire, les frais engagés excluent les honoraires extrajudiciaires dus par le créancier pour des services professionnels qu'il a requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l'hypothèque ou pour conserver le bien grevé ".
4. La requérante soutient toutefois que cette disposition est de droit nouveau, qu'elle modifie le droit antérieur et que partant, elle ne peut avoir d'effet rétroactif, tous les faits pertinents étant survenus en l'espèce avant la sanction du projet de loi.
5. Le Tribunal n'est pas d'accord avec cette proposition, étant plutôt d'avis qu'il est en présence d'une loi déclaratoire dont le but était de préciser le droit antérieur et de mettre fin à une controverse jurisprudentielle. Il faut préciser ici que l'article 2762, avant l'amendement de 2002, ne comportait que le premier alinéa. Les tribunaux ayant majoritairement décidé que l'expression " frais engagés " pouvait couvrir les honoraires d'avocat encourus par le créancier, le législateur est intervenu et a amendé cet article en ajoutant le second alinéa où il est clairement précisé que ce n'est pas le cas (voir, Baudouin, Renaud, Code civil du Québec annoté, 2001, 4e édition, Wilson & Lafleur, Tome 2, # 2762/1).
6. S'agissant d'une loi déclaratoire, et c'est là l'intérêt de distinguer, celle-ci s'applique aux faits survenus avant son adoption, avec pour résultat que la requérante ne peut exiger de l'intimé le paiement des honoraires qu'elle a payés à son avocat pour recouvrer sa créance (Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 3e édition, Les éditions Thémis, 1999, p. 663).
7. Le Tribunal trouve un premier appui au caractère déclaratoire qu'il donne à l'article 2762, tel qu'il se lit depuis le 13 juin 2002, dans les notes explicatives du projet de loi no 50 qui énoncent ce qui suit : " Le projet de loi modifie le Code civil afin d'apporter des correctifs ou des ajustements à certaines dispositions. (…) En outre, il précise que le droit du créancier hypothécaire aux frais qu'il a engagés ne comprend pas les honoraires professionnels ".
8 Ainsi que l'enseigne le professeur Côté, il n'y a pas de formule sacramentelle pour consacrer la nature déclaratoire d'une loi. Le législateur peut s'être exprimé formellement, dans le corps même de la loi, ou encore, l'interprète peut s'autoriser des circonstances entourant l'adoption de la loi pour en apprécier le caractère déclaratoire (P.A. Côté, précité, p. 651 - 663).
9. En l'espèce, les notes explicatives qui accompagnent le projet de loi mentionnent que des " correctifs " et des " ajustements " sont apportés au Code civil. Le législateur " précise " ensuite quels sont les droits du créancier hypothécaire. De l'avis du Tribunal, ce vocabulaire indique très clairement que le législateur entend interpréter ici sa propre loi et ce, dans le but de contrecarrer un courant jurisprudentiel avec lequel il est en désaccord. [4]
[34] Ainsi, en l'espèce, c'est à tort que le demandeur a refusé de donner quittance en exigeant de la défenderesse le paiement de tous les honoraires extrajudiciaires.
[35] La défenderesse plaide aussi que le taux d'intérêt annuel de 30 % est abusif et exorbitant. Dans sa demande reconventionnelle, elle demande qu'il soit réduit au taux légal soit 5 %. Cette demande est fondée sur l'article 2332 C.c.Q. qui accorde au tribunal un pouvoir discrétionnaire de prononcer la nullité d'un contrat, d'ordonner la réduction des obligations qui en découlent où, encore, réviser les modalités de leur exécution. En effet, l'article 2332 édicte : Lorsque le prêt porte sur une somme d'argent, le tribunal peut prononcer la nullité du contrat, ordonner la réduction des obligations qui en découlent ou, encore, réviser les modalités de leur exécution dans la mesure où il juge, eu égard au risque et à toutes les circonstances, qu'il y a eu lésion à l'égard de l'une des parties.
[36] Le demandeur soumet qu'il était justifié d'exiger un taux d'intérêt de 30 % l'an considérant le risque élevé que représentait ce prêt. Le premier créancier hypothécaire refusait de lui prêter une somme additionnelle. La défenderesse reconnaît d'ailleurs qu'elle n'avait plus accès à des prêts commandant des intérêts équivalant à ceux offerts par les institutions financières pour une hypothèque de premier rang.
[37] Le demandeur fait valoir qu'une hypothèque de deuxième rang peut occasionner des dépenses importantes advenant le défaut du débiteur puisqu'il faut alors désintéresser le créancier hypothécaire de premier rang. En l'espèce, le demandeur rappelle qu'en juillet 2002, au moment où la défenderesse voulait vendre sa résidence à l'intervenante, le montant total dû à la Caisse populaire Desjardins Le Manoir était de 47 191,49 $ alors qu'il n'avait lui-même prêté que 11 500 $ à la défenderesse. D'ailleurs, souligne-t-il, l'expérience a démontré la précarité de la situation financière de la défenderesse qui a cessé de respecter ses obligations environ dix mois suivant la signature de l'acte de prêt. Non seulement a-t-elle cessé de respecter ses obligations envers le demandeur mais aussi envers tous ses autres créanciers dont la Caisse populaire Le Manoir, la municipalité et la commission scolaire.
[38] La défenderesse fait néanmoins valoir qu'un taux de 30 % compte tenu du marché actuel, demeure abusif et exorbitant. Elle fait valoir que le demandeur tente de devenir acquéreur d'une maison d'une valeur d'au moins 80 000 $ alors qu'il n'a prêté que 11 500 $ à la défenderesse. Elle soumet que même s'il doit payer le premier créancier hypothécaire de même que les taxes municipales des deux dernières années, il n'en demeure pas moins que le taux de 30% est exorbitant.
[39] Le tribunal reconnaît que prêter de l'argent avec une hypothèque de deuxième rang comme garantie constitue un risque plus élevé. Les parties n'ont présenté aucune preuve concernant le marché hypothécaire. Toutefois, il est de connaissance judiciaire qu'au cours des dernières années, les taux d'intérêt ont considérablement baissé. C'était vrai en avril 2001 et ce l'est encore aujourd'hui. Il est généralement reconnu que les institutions financières prêtent à des taux pouvant varier entre 5 % et 7 % dépendant de la durée du prêt et de la période d'amortissement, avec une hypothèque de premier rang comme garantie. En l'espèce, cela signifie que le demandeur exige un taux de quatre à six fois plus élevé pour une hypothèque de deuxième rang. Même s'il est vrai que la défenderesse était parfaitement en mesure de saisir la portée de l'acte de prêt du 2 avril 2001 vu ses connaissances commerciales, le tribunal est néanmoins d'avis qu'un taux représentant quatre à six fois celui imposé par les institutions financières pour une hypothèque de premier rang est exorbitant et abusif. Le tribunal est d'avis que dans pareilles circonstances, le taux exigé par le prêteur hypothécaire de second rang ne doit pas dépasser plus de deux fois celui généralement exigé par les institutions financières offrant des prêts garantis par une hypothèque de premier rang. Il est vrai que certaines institutions de crédit exigent parfois des intérêts supérieurs mais elles ne détiennent généralement pas de garantie réelle.
[40] Usant de sa discrétion en vertu de l'article 2332 C.c.Q., le tribunal est d'avis que dans le présent cas, le taux hypothécaire ne devait donc pas dépasser 13 %. Il ne faut pas perdre de vue que même si la situation financière de la défenderesse était précaire, il n'en demeure pas moins que le demandeur jouit d'une garantie réelle sur la maison. Même en payant le premier créancier hypothécaire de même que les taxes municipales et scolaires, la prise en paiement de la maison garantit le remboursement du prêt de 11 500 $ plus tous les intérêts.
[41] Tel qu'il appert de ses états de comptes[5], le demandeur exige aussi le paiement des intérêts sur toutes les sommes qu'il a dû payer pour protéger sa garantie. À titre d'illustration, lorsqu'il verse au premier créancier hypothécaire un versement mensuel de 785 $ qui comporte une partie de capital et une partie d'intérêts, il réclame des intérêts sur cette somme de 785 $ à compter du jour où il remet cette somme. Le tribunal conclut que cette réclamation d'intérêt n'a aucun fondement juridique.
[42] Quant aux intérêts sur les intérêts impayés, l'acte de prêt du 2 avril 2001[6] comporte la clause 6 qui stipule : INTÉRÊT SUR INTÉRÊTS Tout intérêt impayé à son échéance portera intérêt au taux ci-dessus stipulé, mais demeurera exigible en tout temps, sans nécessité d'avis ou de mise en demeure.
[43] Encore ici, usant de son pouvoir discrétionnaire fondé sur l'article 2332 C.c.Q., le tribunal estime eu égard aux risques et à toutes les circonstances que cette disposition est abusive et exorbitante si bien que le demandeur ne pourra pas exiger cette pénalité de la défenderesse.
[44] En somme, les seules sommes que le demandeur peut exiger de la défenderesse sont les sommes suivantes : · le solde impayé du capital; · les intérêts au taux de 13 % l'an plutôt que 30%; · les paiements que le demandeur a dû faire auprès de la Caisse populaire Le Manoir aux termes de l'acte de prêt intervenu entre la Caisse populaire Le Manoir et la défenderesse, sans que le demandeur puisse réclamer d'intérêts ou autres pénalités sur chacun de ces paiements subrogatoires; · les taxes municipales et scolaires que le demandeur a dû payer pour éviter la vente en justice de la maison pour taxes impayées sans que le demandeur puisse réclamer des intérêts ou autres pénalités sur le paiement de ces taxes; · le demandeur devra déduire des montants susmentionnés, toutes les sommes reçues à titre de loyer suite à la signification d'un avis de transport de loyers à la locataire Céline Tremblay; · le demandeur pourra aussi réclamer de la défenderesse le paiement des frais d'administration que le tribunal limite, en vertu de l'article 2332 C.c.Q., à un montant total de 2 500 $ pour toute la période où la défenderesse aura été en défaut sans que le demandeur ne puisse exiger quelque intérêt ni autre pénalité sur cette somme de 2 500 $; · le demandeur ne pourra pas réclamer la pénalité afférente au remboursement par anticipation prévue au paragraphe 4 de l'acte de prêt du 2 avril 2001; · le demandeur ne pourra réclamer de sommes autres que celles ci-haut stipulées.
[45] Au moment où la vente devait intervenir en juillet 2002, le notaire instrumentant a préparé une feuille d'ajustements[7]. Il appert de ce document qu'avec un prix de vente de 79 592,89 $, le vendeur aurait reçu un solde de 20 000 $ une fois les dettes remboursées dont celle due à la Caisse populaire Desjardins le Manoir de 47 191,49 $, au 4 juillet 2002, de même que la commission de l'agent immobilier et autres frais tel qu'il appert à ce document. Or, ce solde de 20 000 $ aurait été amplement suffisant pour que la défenderesse remédie au défaut à l'égard du prêt du 2 avril 2001. C'est donc à tort que le demandeur a, à l'époque, refusé de donner quittance.
[46] Vu ce refus injustifié de la part du demandeur, ce qui a provoqué l'avortement de la vente, et compte tenu du fait que l'intervenante souhaite toujours se porter acquéreur de la résidence pour un montant de 79 592,89 $, le tribunal accorde à la défenderesse jusqu'au vendredi 12 mars 2004 pour signer devant notaire un acte de vente afin de transférer la propriété de la résidence à l'intervenante Michaële Tremblay ou directement à la locataire Céline Tremblay ou à un tiers.
[47] En fonction des conditions énoncées dans le présent jugement, le notaire instrumentant devra calculer le montant dû au demandeur à la date de la signature de l'acte de vente et sur paiement de cette somme, le demandeur devra donner une quittance complète, définitive et finale relativement à l'acte de prêt du 2 avril 2001.
[48] Si, en dépit de ce qui précède, la défenderesse omet ou refuse de remédier au défaut en faveur du demandeur dans le délai imparti, celui-ci pourra alors déposer au greffe une ré-inscription de la présente demande en délaissement forcé et prise en paiement fondée sur l'acte de prêt du 2 avril 2001 tel que modifié par le présent jugement selon l'article 2332 C.c.Q. en ce qui a trait au taux d'intérêt et aux sommes que le demandeur peut exiger.
[49] Dans sa demande reconventionnelle, la défenderesse réclame des dommages-intérêts du demandeur. Compte tenu de ce qui précède et des conclusions auxquelles en arrive le tribunal, celui-ci est d'avis qu'il n'est pas opportun d'accorder quelque dommage à la défenderesse.
[50] Compte tenu des conclusions auxquelles le tribunal en vient, il n'est pas opportun ni nécessaire de discuter de l'intervention qui sera rejetée sans frais. POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
[51] ACCUEILLE en partie la défense et la demande reconventionnelle;
[52] DÉCLARE abusif et exorbitant le taux d'intérêt de 30 % l'an stipulé à l'acte de prêt intervenu entre le demandeur et la défenderesse le 2 avril 2001;
[53] ORDONNE, en vertu de l'article 2332 C.c.Q., la réduction des obligations, en établissant à 13% l'an plutôt que 30% le taux d'intérêt exigible sur le prêt stipulé à l'acte de prêt intervenu entre le demandeur et la défenderesse le 2 avril 2001 et ;
[54] DÉCLARE que le demandeur ne peut exiger, en vertu de cet acte de prêt, que les sommes suivantes : · le solde impayé du capital; · les intérêts au taux de 13 % l'an plutôt que 30 %; · les paiements que le demandeur a dû faire auprès de la Caisse populaire Le Manoir aux termes de l'acte de prêt intervenu entre la Caisse populaire Le Manoir et la défenderesse, sans que le demandeur puisse réclamer d'intérêts ou autres pénalités sur ces paiements subrogatoires; · les taxes municipales et scolaires que le demandeur a dû payer pour éviter la vente en justice de la maison pour taxes impayées sans que le demandeur puisse réclamer des intérêts ou autres pénalités sur le paiement de ces taxes; · le demandeur pourra aussi réclamer de la défenderesse le paiement des frais d'administration que le tribunal limite, en vertu de l'article 2332 C.c.Q., à un montant total de 2 500 $ pour toute la période où la défenderesse aura été en défaut sans que le demandeur ne puisse exiger quelque intérêt ni autre pénalité sur cette somme de 2 500 $; · le demandeur ne pourra pas réclamer la pénalité afférente au remboursement par anticipation prévue au paragraphe 4 de l'acte de prêt du 2 avril 2001; · le demandeur devra déduire des montants susmentionnés, toutes les sommes reçues à titre de loyer suite à la signification d'un avis de transport de loyers à la locataire Céline Tremblay; · le demandeur ne pourra réclamer de sommes autres que celles ci-haut stipulées;
[55] ACCORDE à Nancy Carruthers jusqu'au vendredi 12 mars 2004 pour vendre la résidence à l'intervenante Michaële Tremblay ou à sa sœur Céline Tremblay ou à un tiers, pour un montant de 79 592,89 $;
[56] REJETTE l'intervention;
[57] LE TOUT avec dépens, à l'exception de l'intervention qui est rejetée sans frais.


BENOÎT EMERY, J.C.S. Me Hugues Arsenault CHARBONNEAU & ARCHAMBAULT Procureur du demandeur Me Claude Lemire Procureur de la défenderesse Nancy C. Me Réjean Kingsbury TALBOT KINGSBURY & GAUTHIER Procureur de l'intervenante Michaële Tremblay Dates d’audience : 17 et 18 septembre 2003

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